Des hommes-bêtes
Suite à son projet YPERN MON AMOUR (de la Propagande à la mort) couronné de succès, réalisé en coopération avec Frank Wolf, et traitant les images de la propagande de la Grande Guerre moyennant des photo-montages et sculptures, Harald Reusmann présente alors une nouvelle œuvre importante.
« HYBRIS » est une étude approfondie du comportement humain dans la guerre, de l’effet sur le caractère humain produit par la contrainte à porter un uniforme, en illustrant ces pensées sous forme d’animaux. A première vue, on rappelle les grands illustrateurs comme Grandville ou Gustave Doré, mais les images de Harald Reusmann vont au-delà des images d’animaux sous forme humaine des fables classiques de la littérature mondiale, car ce qui semble inoffensif se révèle être sérieux de telle manière que l’humour ou le rire vous resteront dans la gorge.
De nouveau, Harald Reusmann se réfère concrètement aux documents historiques, soit aux images produites par la propagande avant et pendant la Guerre où toutes les parties dégradent l’ennemi à l’animal, verbalement et sur le plan visuel, afin de justifier leurs propres combats. Harald Reusmann étudie cette approche qui n’est pas limitée à la guerre d’il y a cent mais qui continue dans la propagande actuelle.
En plus, Reusmann crée un état comparatif en joignant à ses images les expériences vécues des participants de la guerre, transmises par les cartes postales françaises et allemandes datant de cette époque. Ces cartes postales, placées en fac-simile au-dessous des motifs animaux, jointes en translittération et traduction, forment la feuille sur laquelle les guerriers dénaturés en animaux sont projetés. Littéralement, ces textes des cartes postales révèlent le mutisme des soldats et des civilistes restés à la maison car ils ne contiennent que des choses quotidiennes et ne rapportent pas de récits des terreurs.
Ainsi, Harald Reusmann remet en question notre idée de la guerre à plusieurs égards.
Il transforme les soldats en animaux, il dénonce la déshumanisation en guerre et il met l’accent sur le mutisme en face des terreurs. Cependant, regardant de près on découvre – comme dimension supplémentaire – l’humour et le sarcasme dissimulés dans les détails élaborés par Harald Reusmann. L’artiste est le commentateur de sa propre personne et de son œuvre, et tout est bouleversé.
Dans le roman « A l’Ouest, rien de nouveau » par Erich Maria Remarque, le narrateur Paul Bäumer prononce une synthèse de ses expériences de la guerre industrialisée face au pilonnage, à la guerre de positions, à l’attaque suivie de la contre-attaque : « Nous sommes devenus des hommes-bêtes ». Harald Reusmann se base sur ce message fondamental et il questionne l’observateur sur les déductions faites et toujours à faire et comment ce message a été maquillé : soit par l’HYBRIS, titre de cette œuvre complexe et impressionnante.
Thomas F. Schneider, Erich Maria Remarque-Friedenszentrum Osnabrück